Apprendre les échecs dès 4 ans

Edit du 17/05/2021: 8 ans après sa publication, la vidéo associée à l’article comptabilise presque 25 000 vues. C’est conséquent. Aussi, l’engouement suscité est partagé : 44 likes pour 21 dislikes.

– Je pense qu’une grande partie des dislikes est liée aux modulations de la voix qui peuvent faire passer la vidéo pour une franche bouffonnade (ce qui se comprend :) ). Les « pouces-bas » peuvent vite partir, notamment de la part d’un public un peu immature et moqueur. Le problème n’est en soi pas là (j’assume mon style et le caractère original de mes publications).

– Je pense qu’une catégorie de visiteurs s’attend également à un autre type de contenu, à savoir une vidéo tout en un qui enseignerait les échecs de A à Z.

– Il est également possible qu’il y ait quiproquo, certains visiteurs ont cru que la vidéo était destinée à un enfant de 4 ans. Ce n’est pas tout à fait ça, elle illustre seulement une posture de l’enseignant, celle de la théâtralisation. Cette posture permet de capter momentanément l’attention de l’élève.(Je vous invite à lire les travaux de Dominique Bucheton concernant « Les gestes professionnels ») Evidemment, la plupart du temps, j’alterne entre posture de contrôle, d’enseignement, de lâcher-prise, etc.

Je vais donc modifier cette page afin de clarifier les choses (et accessoirement répondre à un commentaire posté il ya… 4 ans. On n’est plus à un an près me direz-vous ^^)

– Séquence : Apprentissage des échecs aux enfants de 4 à 6 ans (et plus !)
– Extrait de séance : Comment développer ses pièces dans l’ouverture ?

Pousseur de bois vous propose un scénario dans lequel l’échiquier cède la place à une bataille entre deux châteaux. Dans un monde de pouvoirs magiques, de trésors, de pièges… deux Rois s’affrontent, aidés de puissantes Dames, de Fous alertes et fulgurants, de Cavaliers aériens, de Tours inexpugnables et de Pions champions.

Voici une séance vidéo illustrée : le scénario du pion attaqué.

Objectifs :

NON

A) Ce que cette vidéo n’est pas :
En visionnant cette vidéo, vous constaterez qu’il ne s’agit pas d’une méthode d’apprentissage des échecs de A à Z. La marche des pièces, le concept de mat, la notation algébrique ne sont point évoqués. Ces notions doivent faire l’objet de séances spécifiques.
En effet, tout expliquer dans une vidéo n’est pas possible (enfin si, mais c’est un peu lourd). Il faudrait réaliser une série de vidéos qui compléteraient une séquence de plusieurs heures pour obtenir un résultat satisfaisant.
Ainsi, les personnes imaginant trouver (dans une vidéo d’1,50 min) un tutoriel complet concernant l’apprentissage des échecs destiné un enfant de 4 ans seront déçues (vous pouvez d’emblée mettre un dislike à la vidéo, je sais combien le youtubeur avide de réponses prémâchées a la gâchette facile).

Cette vidéo n’est pas non plus une séance complète prête à l’emploi proposant une grille détaillée… Non !

OUI

B) Ce que cette vidéo est :
Il s’agit d’une introduction théâtralisée au développement des pièces d’échecs. Cette courte vidéo n’est qu’un exemple illustrant une méthode d’apprentissage. Cette méthode s’avère également être une posture adoptée par l’enseignant afin de capter l’attention de l’élève. Cette posture étaye un objectif répondant à la question « Comment développer ses pièces dans l’ouverture ? » (requête Google, qui, en terme de référencement naturel n’obtiendrait pas beaucoup de vues).

A travers la posture théâtrale, l’enseignant incarne les pièces d’échecs. Le but étant de stimuler l’imaginaire et la motivation. Cela donne du rythme à un enseignement des échecs trop académique ou monotone. Cette façon d’appréhender les échecs n’est qu’un outil à disposition de l’enseignant pour rendre l’apprentissage plus digeste et plus ludique.

J’en entends un (je ne citerai pas son pseudo car son commentaire péremptoire et la sottise dont il fait preuve m’agacent au plus au point) maugréer en commentaires Youtube : « cette méthode est infantilisante et dévalorisante pour l’enfant ».
Déjà, « infantiliser un enfant » est un paradoxe, le terme congru serait plutôt « bêtifier », mais passons. En quoi moduler et jouer avec sa voix pour interpréter des personnages serait bêtifiant et dévalorisant ? Si je m’adresse à un enfant en lui parlant avec une voix de dessin animé, sans motif aucun, là oui, il y aurait un petit souci, mais dans le cas d’une mise en scène d’une bataille de pièce d’échecs, c’est on ne peut plus congru. Il est selon moi important d’infuser de la fantaisie dans le jeu d’échecs. En effet, je ne le rappellerai jamais assez, les échecs ne sont qu’un jeu dans lequel de petites poupées pratiquent la lutte ! (Mais il semblerait que la discipline soit trop sérieuse pour certains).

Baby Chess (un biberon avec une tétine orange joue aux échecs)

3615 je raconte ma vie : Ma nièce de deux ans (certes, c’est encore un bébé) apprécie beaucoup l’esthétique des pièces d’échecs. Elle aime les manipuler et les nommer. Cela s’explique car le fils de sa nounou est joueur d’échecs. Mon frère et moi-même jouons également).

Souvent, je construis « le château » (la position initiale des pièces) et je m’amuse à lui conter des histoires selon les interactions des pièces que ma nièce manipule. Vous l’aurez compris, l’apprentissage commence par là. Il s’agit d’un premier contact qui passe par la manipulation des pièces, leur désignation, etc.

Le deuxième reproche fait à la vidéo concerne le fond : Elle serait trop compliquée… Là encore, c’est faux. En effet, la vidéo sur le développement des pièces repose sur deux acquis :

Ces deux concepts doivent être intégrés s’ils sont utilisés. Il vous est également possible de faire l’impasse sur la notation algébrique, aucun problème, ne donnez pas les coordonnées !

A) Aparté sur la marche des pièces

Déplacement du Roi en overboard

Il est évident que vous n’enseignerez pas une ouverture d’échecs à un enfant (ni à un adulte) ne sachant pas déjà bouger les pièces… L’apprentissage de la marche des pièces est un prérequis qui se fait également de manière progressive.

Astuce : Commencez par exemple avec les Tours : une Tour noire et une Tour blanche. Déplacez-les chacun à votre tour. Dans une séance ultérieure (ou la même) vous pourrez aborder la capture : placez des fruits (en bois) sur un plateau, faites bouger les pièces dans des jardins et cueillez les fruits ! Après la tour, passez ensuite aux Fous, puis la Dame (qui n’est que la combinaison d’une Tour et d’un Fou), puis au Roi (sans évoquer pour le moment le concept d’échec). Le Roi n’est qu’une Dame un peu fatiguée :)
Passez ensuite au Cavalier qui peut sauter. Puis au Pion, la seule pièce qui ne capture pas comme elle se déplace.

B) Aparté sur la notation algébrique

Concernant la notation algébrique, vous pouvez l’intégrer progressivement, même s’il est utile de l’étudier en amont. Il s’agit d’un bon exercice pour l’enfant car l’échiquier est un tableau à deux entrées.

Outre ces notions nécessaires à la bonne compréhension de la séance, rien ne vous empêche de théâtraliser. Ni le locuteur, ni l’interlocuteur ne passeront pour un idiot. Selon la pratique de l’apprenant, son expérience, le concept de pion attaqué est aussi largement accessible, pareil pour la tactique évoquée dans la vidéo (cf. Défense Damiano) qui repose sur une tactique élémentaire : la fourchette.

Conclusion

Pour conclure, ce passage de la réalité de la situation sur l’échiquier à l’imaginaire de l’enfant s’avère être UN OUTIL (parmi d’autres !) pédagogique précieux : il permet d’établir un pont entre le jeu intellectuel et abstrait et le jeune public et ce, dans une atmosphère ludique et sympa. Cette atmosphère est décisive car elle capte l’attention de l’élève tout en suscitant et maintenant un engagement affectif, relationnel et intellectuel.

Libre à vous d’intégrer/retirer des concepts trop compliqués et de varier les méthodes d’enseignement pour casser la monotonie de séances qui parfois, peuvent s’avérer vraiment pénibles. Cette vidéo est avant tout une piste, elle donne des billes à l’enseignant, vous êtes grand, les personnes à qui vous enseignez sont toutes uniques, faites donc comme aux échecs… ADAPTEZ-VOUS :)

Note : Il est à mon sens indispensable que la personne qui enseigne les échecs sache déjà jouer (au moins connaisse les rudiments). Il est navrant d’observer certains parents (parfois des enseignants) enseigner des inepties échiquéennes à leurs enfants (ex : Il est possible de bouger deux pions d’une case dans l’ouverture, etc.)

J’invite donc tous les parents à faire appel à de vrais joueurs doublés d’un caractère bienveillant et faisant preuve de pédagogie.

Ressources : Mais si vous ne savez pas jouer, n’hésitez pas à apprendre le jeu d’échecs ! C’est facile, voici quelques ressources pour les parents, animateurs et enseignants qui désireraient jouer avec les plus jeunes : Jeu d’échecs, par où commencer.

Allez, comme l’article manque un peu d’images et de fantaisie, voici la capture d’écran du commentaire Youtube :

Patzer = Définition : faible joueur d'échecs. Clash youtube en commentaires
discussion enseigner echecs

Il semble qu’il y ait eu quiproquo, Patzer s’imaginait que la vidéo était destinée à un enfant de 4 ans. Le contenu de l’enseignement doit impérativement être adapté, tout dépend de l’âge et des acquis de l’enfant. Mais qu’importe l’âge, la posture de l’enseignant doit varier selon les situations, théâtraliser, faire intervenir l’imaginaire, utiliser des images est toujours bon !