Histoire des échecs

Le roi des jeux à travers les siècles par Frits Van Seters

VIIe siècle, le jeu d’échecs est semble-t-il connu en Inde sous le nom de Tschaturanga.
VIIIe siècle, le jeu d’échecs était pratiqué en Arabie.
– Le jeu d’échecs a gagné l’Europe par l’Espagne et l’Italie, où il a évolué lentement au fil des siècles.

1) Un traité d’échecs au XIIIe siècle

Ruy Lopez attablé - XVe siècle

1283, Rédaction d’un traité d’échecs, ordonnée par le roi d’Espagne Alphonse X.
1300, le moine Jacob Cessoles, écrit le 2e document sur les échecs.
1497, Lucena écrit Repetición de Amores y Arte de Ajedrez, publié à Salamanque. Francesco Vincent rédige « Cent fins de parties
XVIe siècle, en Espagne période de gloire du jeu d’échecs à la cour de Philippe II. Ruy Lopez entreprend d’écrire un ouvrage sur les échecs modernisés
– Début XVIIe, Gioachimo Greco (1600-1634) écrit un traité à 19 ans qui fera autorité près de 2 siècles.
– Un siècle après, mort de Gréco, naissance de Philidor, excellent aux échecs, mais également aux Dames et à la musique. Son traité, L’Analyse du jeu des échecs (1749), est traduit en plusieurs langues et donne le ton pendant un siècle.
Louis XVI, élève enthousiaste, mais peu doué de Philidor, avait consenti à son professeur une rente viagère. Cette faveur royale faillit coûter la vie à son bénéficiaire, lorsqu’éclata la révolution ; craignant Robespierre (joueur d’échecs également), Philidor se réfugia à Londres, où il mourut en 1795. Avant sa fuite, il a joué des parties célèbres au café de la Régence à Paris, en compagnie de Rousseau ou Voltaire. Viennent ensuite devant ce jeu, Robespierre et Bonaparte, tous deux, faibles joueurs. En revanche, l’un des généraux de l’Empereur, alexandre-Louis-Honoré Lebreton Deschapelles, et son élève Labourdonnais (qui ne tarde pas à surclasser son maître) deviennent rapidement les champions incontestés de leur époque.
1824, un nouveau talent naît en Grande-Bretagne : Alexandre Macdonnel. – 1834, Macdonnel affronte Labourdonnais. Pendant deux ans les deux champions vont disputer 88 parties au terme desquelles l’avantage reste à Labourdonnais (+44 =14 -30). La suprématie française est consacrée, d’autant que la mort prématurée de Macdonnel (1835) laisse momentanément son adversaire sans rival.
1840, Labourdonnais meurt à Londres. De nouvelles vedettes voient le jour. En France : Saint-amant. En Angleterre Howard Staunton.
1843, une 1ère rencontre les oppose à Londre : Avantage au français par 3 1/2 à 2 1/2. Une 2e plus longue, organisée la même année à Paris, consacre la nette supériorité à l’Anglais (13 à 8). La France cesse de jouer un rôle de premier plan dans le domaine des échecs, si ce n’est grâce à Alekhine, Bernstein et Tartakover, tous trois d’origine russe, mais naturalisés français.

2) Le 1er tournoi international

Echecs dans le monde, globe en noir et blanc, planète

1851, pour la première fois, un tournoi international se déroule à Londres, à l’initiative de Staunton. A la surprise générale, c’est l’Allemand Adolphe Andersen, un professeur de mathématiques de Breslau, qui remporte la victoire. Pendant plusieurs années, Anderssen demeure le maître incontesté des échecs, jusqu’au jour où un jeu américain de 20 ans traverse l’océan.
1857, Paul Morphy, défi Staunton qui ne se montre guère disposé à se rendre aux EU. Morphy (dont les parents sont riches) s’embarque pour Londres pour où il relance Staunton, mais la rencontre n’a pas lieu. Faute de joueurs à sa taille, Morphy quitte Londres pour Paris.
1858 Une première rencontre est organisée à Paris, entre Morphy et Andersen. Ce dernier cède à son tour aux coups de boutoir du jeune américain.
1869, Morphy, atteint de folie, abandonne les échecs. Aussi fulgurante apparition, aussi soudaine retraite, Morphy meut en 1884.

3) Les idées romantiques

Un homme embrasse une femme au dessus d'un jeu d'échecs posé sur un petit guéridon rechement orné.

– Les victoires retentissantes de Morphy vont créer un courant d’idées nouvelles.
– Le secret du style de Morphy, ignoré de ses adversaires, ne sera percé que plus tard par Steinitz.
– Les idées romantiques, professées par Andersen et perfectionnées par Morphy trouveront, grâce à Steinitz, leur champ d’application ainsi que leurs limites. Elles lui permettront de découvrir des règles nouvelles relatives au jeu de position.
– Steinitz est philosophe, théoricien et praticien, de la même génération que Morphy, à un an près son cadet, il s’attaque à Andersen pour faire valoir ses idées. La rencontre a lieu à Londres en 1866 et se termine à l’avantage de Steintiz.

4) La Russie en vedette

Tchigorin, le Dr Lasker, Steinitz et Pillsburry lors du tournoi de Saint-Petersbourg de 1895 à 1896.

1851, naissance de Tchigorine (considéré comme le fondateur de l’école russe), il va contrinuer à la diffusion des échecs dans le monde. Joueur d’attaque par excellent, partisan de l’initiative à tout prix, fût-ce au prix de l’équilibre matériel du jeu, Tchigorine refuse de considérer les idées de Steintiz comme des règles absolues. Leur polémique reste inconnue au grand public jusqu’au jour où les deux adversaires se rencontrent à la Havane (1889). Steinitz triomphe et écrit après sa victoire : « un vieux maître de la nouvelle école a défié un jeune maître de la vieille école, et la nouvelle l’emporta en dépit de l’âge avancé de son représentant ».
1862, naissance de Tarrash (considéré comme le père de l’école allemande).
1893, 1ere rencontre entre Tchigorine et Tarrash : match nul.
1894, Lasker (le compatriote de Tarrash qui met fin aux ambitions de ce dernier), défie Steintiz et l’écrase 10 à 5. Lasker est sacré champion du monde à 28 ans et conserve son titre pendant un quart de siècle.
1910. Si la supériorité de Lasker est incontestable, on ne peut passer sous silence le problème insoluble que lui a posé Schlechter, ce viennois (1874-1914) s’était créé, en défense, un style de jeu incomparable, à telle enseigne qu’on se demandait si Lasker pouvait lui résister. Une rencontre limitée à 10 parties a eu lieu en 1910. Après 4 jeux nuls Schlechter a remporté la 5e manche et est parvenu à « annuler » les quatre suivantes. Avant d’entamer l’ultime partie, Schlechter avait pour ainsi dire, le titre mondial à portée de main. En dépit des imprudences précédentes, Lasker a néanmoins pris l’avantage dès l’abord. Nonobstant, Schlechter a réussi à rétablir l’équilibre si bien que la partie aurait pu se terminer par un match nul. Négligeant cet avantage. Schlechter s’est brusquement départi de sa réserve et a voulu terminer par un coup d’éclat. Mal lui en a pris, car, progressivement, il a perdu l’avantage. Le miracle s’est produit : Lasker a fini par l’emporter, conservant ainsi son titre.
1911, Capablanca débarque en Europe. Ce jeu cubain avait battu tous ses advsersaires américains.
1914, Tournoi de Saint-Pétersboug. Tous les grands de l’époque sont conviés. Lasker l’emporte de justesse sur Capablanca.

5) Après la 1ere guerre mondiale

Deux hommes jouent aux échecs. Ils sont assis sur un banc fait de planches, l'échiquier est posé en équilibre. Ils portent de petits chapeaux ronds, un pull et un tablier pour le second. Ces hommes ne sont pas particulièrement détendus. Ils se sont pas à l'aise sur leur siège. Leurs épais souliers les protègent d'une boue grasse et humide. Certainement ces joueurs sont des travailleurs en pause, comme l'attestent leurs vêtements.

1918, Les échecs connaissent une période faste et active .
– Des jours se font connaître : Breyer, Réti, Nimzowitsch, qui remettent en question les « lois imprescriptibles » énoncées par Steinitz et son disciple Tarrash.
– Ils se font défenseur d’idées nouvelles relatives au « centre » et à l’art de la mobilisation dans leurs ouvrages : Die neuen ideen im Schachspiel, de Richard Réti, et Meil System de Aron Nimzovitch. Bientôt cette nouvelle école, dite néo-romantique, domine l’ancienne. Elle compte des joueurs aussi célèbres que Capablanca, Bogoljubov, Tartacover et Alekhine.
1921, Capablanca lance un nouveau défi à Lasker. Le match en trente partie se déroule à La Havane. Après huit nulles, Capablanca gagne une partie, les trois suivantes…et Lasker abandonne.
1924, A l’opposé du règne de Lasker, celui de Capablanca est court. Lasker et Capablanca s’affrontent de nouveau et Lasker est 1er !
1925. Cette victoire ne remet pas en cause les conceptions modernes modernes ou le talent des jeunes joueurs : Bogokjubov, un émigré russe domicilié en Allemagne, l’emporte sur Lasker et Capablanca à Moscou.
1927, un autre émigré russe Alexandre Alekhine, affronte Capablanca à New York. Le cubain laisse alekhine loin derrière lui à la seconde place.
1930, tournoi à San Remo. Vainqueur Alekhine
– De nouveaux talents apparaissent : Flohr, le champion soviétique Botvinnik et le docteur Max Euwe.
1935, Euwe défie Alekhine et l’emporte contre toute attente avec un point d’avance.
1937, la revanche a lieu aux Pays-Bas, les pronostiques sont très favorables au champion hollandais, mais Alekhine l’emporte (+10 =11 -4)

6) L’engouement pour les échecs après la 2e guerre mondiale

Photo noir et blanc de Karpov, songeur devant un échiquier, un journal à la main en train de méditer la position1917, peu d’intérêt des soviétiques pour les échecs durant l’entre-deux-guerres. Sans compter le départ de talents tels qu’Alekhine, Bogoljubov, Bernstein, Tartacover et Snoko-Borovsky, qui crée un grand vide.
1924, naissance de la F.I.D.E. Le championnat du monde, jusqu’ici laissé à l’initiative privée, devient une compétition officielle.
1935, 1936, les Russes, reprennent contact avec les grands jueurs du monde entier avec deux tournois organisés à Moscou. Les résultats sont au rendez-vous : 1er : Botvinnik. 2e : Flohr. 3e : Lasker. 4e : Capablanca
second tournoi : 1er : Capablanca. 2e : Botvinnik.
– Le numéro un sociétique affirme sa stature internationale
– Les compétitions sont rares durant les conflits.
1940, disparition de Lasker
1942, disparition de Capablanca
1946, mort du champion du monde Alekhine au Portugal.
1948, la FIDE organise un tournoi à la Haye et Moscou.
– Désormais le championnat du monde se dispute tous les trois ans.
1951, Botvinnik affronte Bronstein et Botvinnik conserve son titre pour 3 ans.
1957, 1954, Botvinnik affronte Vassily Smyslov.
1958, Botvinnik reconquiert son titre grâce à la revanche accordée un an plus tard.
1959, le tournoi des Candidats est emporté par un génie de la combinaison, le letton Mikhaïl Tahl. Il bouscule littéralement Botvinnik et gagne avec quatre points d’avance à Moscou, en l’emportant par 10 victoires à 5 et six nulles.
– A l’issue de cette rencontre, la FIDE abolit le droit au match revanche.
1962, tournoi des Candidats à Curaçao, tout le monde attend Bobby Fischer, mais c’est finalement Tigran Petrossian, soviétique d’origine arménienne, qui gagne.
1963, Petrossian affronte Botvinnik à Moscou et impose son style prudent et précautionneux.
1964, Le tournoi des candidats est rempalcé par des matchs, pour éviter toute entente entre participants d’un même état (Fischer affirme que les soviétiques trichent).
1966, Spassky entame la lutte contre Petrossian, mais ça ne suffit pas à troubler l’arménien.
1968, Spassky redevient challenger.
1969, Spassky l’emporte sur Petrossian avec deux points d’avance.
1971, Fischer atomise des adversaires de premier plan : Taïmanov (6 à 0). Bent Larson (6 à 0). Petrossian (6.5 à 2,5).
1972, Championnat du monde à Reykavik, en islande. Fischer accumule les exigences perd la 1ere partie et ne se rend pas à la 2e. On croit le match fini, mais Spassky cède à la dernière revendication de Fischer et le jeu reprend dans une petite salle située derrière l’estrade. Fischer , qui a changé son répertoire d’ouverture, surprend spassky et accumule les victoires, finissant par l’emporter.
1975, La FIDE refuse les demandes de Fischer qui refuse de jouer contre son challenger Karpov. Ce dernier devient alors champion du monde par défaut
1978, Kortchnoï affronte Karpov qui conserve son titre pendant 3 ans.
1981, Même affrontement et Karpov remporte le championnat du monde.
1984, qualification de Kasparov en tant que challenger.
1985, Kasparov devient champion du monde à 22 ans.
– 1986, la revanche débute en juillet et a lieu à Londres, puis Leningrad et s’achève en octobre par la victoire de Kasparov qui l’emporte avec un point d’avance.
1987, Karpov remporte les matchs des Candidats à Linares, face à Sokolov. Le nouveau duel au sommet a lieu en octobre 1987 à Séville. Après une série de parties échevelées, Kasparov parvient à sauver le match nul, douze à douze, et à conserver son titre.
1988, Karpov remporte à nouveau la finale des candidats face à Timman.
1990, le marathon entre les deux « K » reprend en octobre, à New York, pour se poursuivre à Lyon, début novembre, Kasparov l’emporte une fois de plus avec un point d’avance.
1993, l’anglais Nigel Short gagne la finale des matchs des Candidats. Mais un désaccord avec la FIDE conduit Kasparov à lui proposer de jouer le match (qu’il remportera aisément) à Londres, sous les auspices de la PCA (Professional Chess Association). Par mesure de rétorsion, la FIDE organise un match Karpov – Timman en Indonésie, et Karpov redevient champion du monde « officiel ».
1995, Kasparov gagne face à l’indien Anand pendant que Karpov défait Gata Kamsky en 1996. Les deux fédérations organisent chacune leur championnat.
2000, en octobre, Kasparov finit enfin par perdre contre Vladimir Kramnik. En novembre 2000, Viswanathan Anand accède au titre de champion du monde FIDE en s’imposant face à Shirov.
2002, Ivanchuk est opposé à Ponomariov pour le titre mondial. Ce dernier est sacré champion du monde.
2004, à Tripoli : Rustam Kasimdzhanov devient champion du monde.
2005 à San Luis : Topalov devient CdM.
2007 jusqu’à aujourd’hui : Anand CdM

7) La part de l’ex-Union soviétique

La confrontation Spassky Vs Fischer en Island 1972

– L’Union soviétique encourage la pratique du jeu d’échecs.
– Elle s’inspire des méthodes défendues par les plus illustres joueurs russes : Tchigorine et Alekhine
– Les meilleurs scientifiques et praticiens du pays se lancent dans un travail de grande envergure : Ouvertures, milieu de parties, finales sont étudiés.
– L’école soviétique est créée et défend les conceptions classiques face aux propos désabusés de Lasker, Capablanca, euwe et Grünfeld.
1921, Lasker déclare : « Les échecs n’en ont plus pour longtemps à nous cacher leurs mystères. L’heure fatale de ce jeu est proche Dans sa forme actuelle, il est voué à une mort rapide à cause de la fréquence des parties nulles. »
1930, Capablanca suggère de modifier l’échiquier pour rendre le jeu encore plus difficile.
– Le pessimisme ne l’a pas emporté en pratique. L’école soviétique a puissamment contribué à ce changement de mentalité. La recherche constante d’idées neuves démontre que les échecs sont suffisamment complexes et riches pour n’avoir pas besoin « d’améliorations » telles que l’ajout de cases ou de pièces nouvelles.
– citons Alekhine :

Les réformistes prétendent que les progrès de la théorie conduiront à la disparition des échecs, et qu’il faut pour leur rendre vie, en remanier les règles. En réalité qu’exprime cette affirmation ? Le mépris de l’intuition, de l’imagintation et de tous les autres éléments qui font des échecs un art.