Dans son Bréviaire des échecs, Tartacover propose au lecteur diverses conceptions du jeu d’échecs.
I – Le jeu des échecs est à l’image de la guerre
Les Anciens qui nommaient les pièces : Fantassins, chevaux, éléphants, chariots, généralissime, etc., considéraient cette troupe comme destinée à agir suivant un plan offensif ou défensif.
La définition du jeu des Échecs comme simulacre de la guerre, est conforme à l’opinion que l’homme naît avec l’instinct, voire le besoin, de combattre.
II – Le jeu d’échecs est une science
Bien que sujets à tant d’inconnues provenant des combinaisons en nombre infini auxquelles ils se prêtent, les Échecs peuvent être considérés comme une science puisque certains principes qui les régissent sont systématisés par l’application d’une méthode enseignée et perfectionnée par les maîtres.
III – Le jeu des échecs est un art
De même que d’autres beaux-arts, l’art des Échecs, par ses combinaisons imaginatives, est une œuvre de jouissance intellectuelle où le talent, et parfois le génie, peuvent se donner carrière.
Mais restons modestes : Aucune branche de l’activité humaine n’est un critérium absolu de l’intelligence. Les Échecs ne font pas exception à cette loi.
IV – Le jeu des échecs est un sport
Cet exercice, cette gymnastique cérébrale constitue une lutte quasi musculaire, munie de l’esprit et de la force, contre la matière également animée des mêmes éléments.
Dans ce sport échiquéen — pourvu, du reste, de lois et de règlements — l’organe qui lutte est le plus noble de tous : C’est le cerveau.
Son exercice entraîne les jeunes à franchir certains obstacles abstraits et maintient, chez les vieux, la souplesse de l’imagination.
V – Le jeu des échecs est de la mécanique
La valeur des pièces augmente ou diminue suivant leur position : C’est l’effet d’une loi de la mécanique, loi du mouvement, de l’équilibre et de la force, loi statique ou loi dynamique.
C’est à ces lois que s’apparentent la tactique — cette science des moyens ! — et la stratégie — cette science des buts ! — qui font, de l’œuvre des grands maîtres des échecs, une merveille de mécanique.
On trouve dans leurs combinaisons les rouages, les pivots, les engrenages qui font peser la force sur le but : Le mat.
Ajoutons qu’Einstein se sert des Échecs pour démontrer cette quatrième dimension : La position qui modifie la valeur du volume. En effet, en prévoyant dans ses combinaisons une situation future, le joueur d’Échecs fait pour ainsi dire valoir la relativité du temps.
VI – Le jeu des échecs est une symphonie
Nombre de musiciens ont été ou sont de bons joueurs d’Échecs : Tels furent Philidor et Chopin, par exemple.
Également le furent des poètes, musiciens du Verbe.
C’est surtout le jeu «à l’aveugle» qui donne l’impression d’une symphonie.
La matière de la pièce disparaît de l’esprit et son mouvement produit l’effet de l’un des tons d’instruments dont l’ensemble harmonieux se maintient jusqu’au «finale» triomphant.
VII – Le jeu des échecs est un entraînement moral
Constatons d’abord que le jeu d’Échecs prend la place d’autres distractions plus coûteuses puisqu’il passionne assez, par lui-même, sans nécessiter d’enjeux.
Dès la première page de sa légende, on trouve que l’invention, par le brahmine hindou Sissa, du jeu des Échecs eut pour but et pour effet de moraliser son Prince.
La valeur des pièces était comparée aux XIIe et XIIIe siècles à celle de la condition des hommes et le jeu considéré comme faisant partie de l’enseignement des jeunes gens et des jeunes filles nobles.
Les mémoires de Franklin consacrent un long chapitre aux réflexions du grand homme sur l’influence du jeu des Échecs en ce qui concerne presque toutes les circonstances de la vie.
VIII – Le jeu des échecs est un jeu de hasard
C’est une définition paradoxale qui fait surgir la question suivante : dans quelle proportion le hasard provoque-t-il le coup « faible » ou la « gaffe » fatale ?
Cette proportion dépend de la nervosité, d’une défaillance, d’une distraction intérieure ou extérieure.
C’est ce qui constitue cette part de hasard qui fait parfois retourner les possibilités de gain.
IX – Conclusion
Faisons une place aux spéculations quasi scientifiques, accordons les qualités sportives, admettons de bonne volonté les perspectives artistiques, mais reconnaissons en toute sincérité que le jeu des échecs n’est après tout qu’un jeu.