Selon toute probabilité, le jeu des Échecs fut donc inventé aux Indes «schatrandsch». Une de ses formes premières consistait, dans un jeu à quatre, à réduire à l’impuissance les deux Rois ennemis. Le nom du brahmane Sissa comme inventeur de ce jeu — qui devait être, avec ses pièces variées, non seulement un simulacre de la guerre, mais aussi le symbole des devoirs royaux — semble résulter de recherches sérieuses.
Le grand poète persan Firdousi consacre plusieurs passages de ses poèmes à la description d’une partie d’Échecs. Les Arabes ayant conquis la Perse (en 1651) y apprirent à jouer aux Échecs et apportèrent le jeu en Occident. Un jeu d’Échecs en ivoire et ébène avait été offert à Charlemagne par le calife Harun al-Rachid.
Henri IV aimait pousser le bois, il avait une prédilection marquée pour les Échecs. Tamerlan, le célèbre conquérant mongol manchot et boiteux et les rois guerriers de Suède; Gustave-Adolphe et Charles XII. Napoléon avaient fait des Échecs leur délassement favori.
Le premier tournoi d’Échecs international eut lieu à la cour du roi Philippe II, à Madrid en 1575, entre quatre protagonistes de l’époque et finit par la victoire de l’Italien Leonardo. L’ère moderne des compétitions internationales s’ouvre par le grand tournoi de Londres, en 1851, où le premier prix revint au pédagogue allemand Adolphe Anderssen.
Le joueur le plus prodigieux de tous les temps fut Paul Morphy, avocat américain dont la mère était française. La supériorité sur tous ses contemporains était incontestable. Jouer à la Morphy, c’est le plus grand éloge qu’on puisse faire pour un jeu brillant et profond à la fois.
L’histoire du jeu des Échecs fut surtout élucidée par A. Linde et par H.J.R. Murray. La série des auteurs qui ont écrit en Europe sur le jeu d’Échecs, s’ouvre vers l’an 1200 par Jacobus de Cessoles. La Bibliothèque Nationale et celle de l’Arsenal possèdent plusieurs manuscrits de sa main, tant en latin qu’en français. Notons que l’aimable image de la nymphe Caissa, déesse protectrice du jeu des Échecs, ne date que du XVIe siècle (poème latin de Vida: Scacchia ludus).
Les premiers écrivains qui se sont occupés de la théorie des Échecs (fins et débuts) paraissent être deux Espagnols, Vincent et surtout Lucena, qui vivaient à la fin du XVe siècle. Les ouvrages curieux du Portugais Damiano, du prêtre espagnol Ruy Lopez de Segura, du jurisconsulte italien Alessandro Salvio, de l’érudit allemand Gustavus Selenus (pseudonyme d’Auguste, duc de Brunswick), enfin et surtout du génie calabrais Gioachino Greco suivirent.
Un ouvrage classique fut l’Analyse du jeu des Échecs (pdf gratuit), par M. André Danican Philidor. Paru en 1749 et réédité en 1777, ce livre consacra la gloire échiquéenne de son auteur, tandis que ses vingt-cinq opéras et opéras-comiques sont plutôt oubliés.
Avec son maître, Kermur de Legal, et ses successeurs : Deschapelles et La Bourdonnais, Philidor illustre une époque glorieuse pour les Échecs français. Si le sceptre a passé plus tard aux peuples anglo-saxons, germaniques et slaves, un revirement qui porterait de nouveau un intérêt mérité à ce jeu d’élite, ferait surgir des valeurs nouvelles dans notre art séculaire. Clarté et profondeur, voilà la devise — malgré toutes les amplifications théoriques ou techniques — d’un combat d’Échecs.