Jeu d’échecs vs Jeu de Dames

Le joueur d'échecs Vassily Ivanchuk en pleine simultanée de Jeu de Dames. contre de jeunes enfants
Le super grand maître international d’échecs Vassili Ivantchouk en pleine simultanée de jeu de Dames. Attention Vassili, « pièce touchée, pièce jouée ! » .

Beaucoup de joueurs affirment savoir jouer aux échecs, mais ne connaissent ni le roque, ni la prise en passant. Ils vous répondent alors qu’ils savent jouer aux Dames. Le savent-ils vraiment ? Le jeu de Dames c’est quoi ? Découvrons ce jeu à travers le regard d’un joueur d’échecs (moi).

Cet article inaugure une nouvelle rubrique : Jeu de Dames.

Dans cet article, seront comparés deux sports de l’esprit.
D’un côté, le jeu d’échecs, homologué Roi des jeux par le commun des mortels et les Dieux.
→ Noté 7.74 sur Tric Trac avec 368 avis.
De l’autre côté, le jeu de Dames international. Ce dernier ne jouit pas de la même popularité que les échecs. Il est même parfois méprisé.
→ Noté 5.96 pour 146 avis Tric Trac. C’est à peine plus que la moyenne.

Chess Vs Draughts Max Euwe

Mais avant de nous pencher sur les différences et points communs qui opposent ou relient Jeu d’échecs et Jeu de Dames, posons-nous la question existentielle suivante, Tric Truc, c’est quoi ? « Tric Trac » est un site communautaire axé autour du jeu de société. Avec ses 40 000 membres et ses 18 000 jeux de société référencés, il s’agit de la référence française depuis 20 ans. Beaucoup de joueurs se réfèrent aux avis et notes affichés sur Tric Trac.

Coïncidence : Le Tric-Trac est également un terme du jeu de Dames et désigne les diagonales 1/45 et 6/50. Ces diagonales jouent un rôle très spécial en fin de partie. Beaucoup de pièges sont possibles dans le tric-trac : blocages, enfermement de pions et de Dames !

Cette digression dans le milieu du jeu de société n’est pas incongrue. En effet, j’ai fait la connaissance récemment de Nicolas Guibert. Auteur de l’excellentissme site de jeu de société en ligne « Happy Meeple« . Nicolas est également maître national du jeu de Dames et développeur (il a développé le logiciel de Dames : Buggy). Ancien webmaster du site de la Fédération française du jeu de Dames, éditeur, j’en passe et des meilleurs.

Bref, Nicolas est un taulier. J’avais, par ailleurs lu quelques jours plus tôt une interview de ce dernier. Interview qui m’avait marqué à cause d’une citation du champion de Dames, Marcel Bonnard mentionnée par Nicolas :

« Si l’idéal d’un jeu de combinaisons est d’aboutir au maximum de difficultés en partant du minimum de complications conventionnelles, le jeu de dames est bien près de la perfection ».

Marcel Bonnard

Citation qui impose un respect total et qui correspond également à l’idéal que je me fais du jeu de société. C’est donc en toute logique, lorsque Nicolas a rejoint l’un de mes groupes Facebook, quelques jours plus tard, que je l’ai « friendlisté » (l’ayant reconnu).
Ainsi, j’aimerais, ami lecteur, avec l’autorisation de Nicolas, te faire découvrir (un peu) le milieu damiste à travers une discussion Facebook, entre un Pousseur de Bois (Pdb), n’y connaissant pas grand chose aux Dames et un maître du jeu de Dames : Nicolas Guibert.(NG).

Nicolas Guibert. You’re friends on facebook. Works at Games in Mind. Studied at ENSIGC. Lives in London. United Kingdom.

Et voilà, Nicolas est ajouté. Afin d’éviter que la discussion ne soit jalonnée de tâches jaunes, j’enlève les smileys 🙂. L’échange retranscrit est donc plus austère que l’original, mais sachez qu’on est des gens cool ! Je censure également tout propos à caractère diffamatoire que Nicolas aurait tenu à l’égard de la FIDE, la FFJD et les grands maîtres en général (je plaisante bien sûr).


Pdb (Pousseur de Bois) : Quelle réactivité Nicolas, je viens de lancer le groupe. By the way, enchanté !

NG (Nicolas Guibert) : Merci. J’étais en train de me demander comme j’étais dans les premiers. Enchanté.

Pdb : J’ai adoré ta citation concernant le jeu de Dames.

NG : Oui c’est de là que je viens. Elle n’y était pas il y a peu encore. J’ai bien parlé ce jour-là. Joueur d’échecs ?

Pdb : Oui, je suis aussi le webmaster du site pousseurdebois. Mais ta citation m’a donné envie de m’intéresser un peu au jeu de Dames. Je suis allé voir sur lidraguhts (le frère de lichess.org), c’est très peu fréquenté. Mais le site de la Fédération du jeu de Dames est bien fait avec des cours super structurés (il manque juste la barre de recherche). Par contre, la lecture des parties est assez désagréable avec la notation Manoury (moins facile que le tableau à deux entrées des échecs).

NG : Merci pour l’article en tout cas. On n’est pas toujours cité en premier.

Pdb : Ton site Happy Meeple et les jeux que tu proposes sont super. Je l’ai trouvé en tapant « Hanamikoji online » sur Google.

NG : J’étais webmaster du site de la FFJD.
Je n’ai pas fait le contenu qui a été fait par Arnaud Cordier. J’avais refait la version 2007-2008 avec mon frère qui lui est webmaster.

Pdb : Tu es la recette aux bons sites.

NG : Je m’étais surtout investi sur la partie classement avec toute la gestion en ligne. N’en jetez plus ! C’est trop de compliments. Qu’as-tu à me demander ?

Pdb : En fait, rien ! (Note : à part l’article que vous êtes en train de lire. Mais chut…)

NG : Ah ben ça va alors on peut continuer à parler.

Pdb : Qu’est-ce qui pousse un joueur à aller du côté du jeu de Dames plutôt que les échecs ?

NG : Le hasard. J’aurais sans doute joué aux échecs si je n’avais fait un voyage scolaire de 15 jours en Auvergne où je battais tout le monde dans le bus.
Après j’ai acheté le livre vendu par Jeux et Stratégie. Et un club s’est monté (le hasard encore) dans mon village. Pourtant il n’y a pas beaucoup de clubs.
Après c’était parti. Un vieux monsieur, ancien joueur, qui habitait à 60 km m’a donné sa collection de vieux « Effort », le mag de la fédé. Ça m’a donné un peu de grain à moudre.

Pdb : C’est vrai que les premières rencontres avec ces jeux combinatoires se font souvent dès l’enfance. En parlant de littérature, j’étais tombé sur un vieux bouquin de Dames dans un bric à brac : Le Jeu de Dames Manuel pour Débutants et Amateurs de toute force par Henri Chiland préface de Marcel Prévost de l’Académie française.
En le lisant pour la 2e fois hier (la 1ère fois, j’étais venu à bout de l’introduction, mais je n’ai jamais dépassé le diagramme numéro 2 présentant un modeste gain en trois coups), je me suis aperçu que l’auteur jouait sur cases blanches par souci de visibilité. Ça m’a un peu dérangé (surtout que la notion de couleur de case est importante aux échecs. Peut-être moins aux Dames comme il n’y a qu’une couleur). Bref, en jouant sur blanc, l’auteur a donc inversé l’échiquier et la case en bas à droite n’est plus blanche, mais noire. Le genre de détail pouvant perturber le joueur d’échecs semi-psycho rigide que je suis.

NG : Sur Lidraughts y a plein de combinaisons assez simples, tu as vu ?

Pdb : Ho j’irai voir ! J’ai vu qu’il y avait pas mal de forts joueurs en tournois, mais peu de fréquentation bizarrement (pour un jeu que je croyais plus populaire que les échecs)

NG : Je n’y suis pas allé depuis longtemps. Mais ça n’arrivait pas à décoller alors que c’est sûrement le meilleur de loin. Il doit y avoir des joueurs sur PlayOK je crois et peut-être un ou 2 autres sites. Je ne joue quasiment plus jamais. A une époque il y avait VOG.

Pdb : Surtout que Lidraughts propose un engine pour analyser les parties. Aoui, ces sites lui sont passés devant.

NG : La notation Manoury n’est pas très naturelle il est vrai. Maintenant la notation cartésienne des échecs n’est pas très simple non plus (j’ai un peu joué aux échecs il y a un an ou deux sur Chess.com je crois). En fait, on apprend au fur et à mesure où sont les cases sans réfléchir.

Pdb : J’imagine que les joueurs de Dames font l’analyse post mortem de leurs parties un peu comme les joueurs d’échecs, en ayant le nom des cases ancrées dans leur tête.
Et que tout grand maître est capable de mener une partie à l’aveugle (c’est marrant sur Lidraughts il y a le fameux exercice de visualisation qui consiste à cliquer sur les cases nommées. Je vais m’entraîner la-dessus).

NG : Oui on connait les cases par coeur. Par contre pour jouer à l’aveugle, c’est moins clair. Pas facile aux dames comme il n’y a que 4 types de pièce (et 2 pendant l’essentiel de la partie).

Pdb : Il y a 4 types de pièces ?

NG : En comptant 2 couleurs. Aux échecs, c’est 12. Imagine une pièce pleine d’objets différents. C’est plus facile de retenir l’emplacement des objets que s’il y a 20 billes blanches et 20 billes noires.

Pdb : Tu veux dire qu’il est plus facile de retenir des emplacements quand les objets sont différents. Car tu peux utiliser des techniques d’ancrage. Aux échecs, par exemple, certaines cases sont liées à des pièces : les cases f3, c3, c6, et f6 des Cavaliers par exemple. Les cases g5 des Fous. C’est vrai qu’avec des pions de Dames disséminés un peu partout, la visualisation doit être complexe.

NG : Le record de simultanées à l’aveugle est sous les 30 aux dames, je crois. Aux échecs, c’était 60 mais je crois que ça monté depuis, non ? Maintenant y a moins de damistes, donc tous les records sont moins soumis à stress.

Pdb : Je sais que Timur Gareyev se fait appeler The Blindfold King sur youtube, il était monté à 48, mais faudrait que je vérifie si son record n’est pas monté depuis. Beaucoup de joueurs qui viennent du continuent africain d’ailleurs, je me suis toujours demandé pourquoi.

NG : Aux dames ? Ils apprennent sur la place du village. Ils jouent à l’argent. Donc y en a qui progressent vite et bien.
Ils arrivent au niveau international souvent sans avoir eu de prof ni lu de livre.
Baba Sy en 1959 avait écrasé le championnat de France (il était sénégalais mais c’était encore français). Il était très fort, mais les Français pas très. Donc ça a été facile pour lui.

Pdb : Incroyable d’atteindre un tel niveau sans passer par la littérature et autres outils. J’ai l’impression que les Dames sont très orientées combinaisons. Aux échecs, j’imagine mal un joueur passer maître seulement en pratiquant des blitz sur la place du village.

NG : Y a peu de théorie des ouvertures aussi (un avantage énorme du jeu de dames). Il y a de la théorie de ouvertures, mais on peut s’en passer et sortir des sentiers battus sans vraiment de désavantage.

Pdb : Tout à l’heure j’ai cherché « draughts opening » sur youtube, il n’y avait pas grand chose c’est vrai. Cela laisse plus de chance à l’imagination et au talent. Mais j’imagine que les joueurs de Dames en compétition ont accès aux parties de leurs adversaires grâce aux megadatabases et que chaque joueur doit avoir des ouvertures qui lui sont propres ?
Et si c’est le cas, la préparation en amont avec la machine doit être possible (surtout que le jeu de Dames est résolu d’après ce que j’ai compris).

NG : Oui y a Turbo Dambase comme base. On peut préparer les ouvertures. Mais c’est « hit and miss ». Ca marche pas souvent.
Le jeu de dames international n’est pas résolu du tout. Les checkers/draughts en revanche, on a prouvé que c’était nul je crois. Y a plusieurs niveaux de résolution. Je programmais le logiciel Buggy à une époque, tu viens encore dans mon domaine.
Voir buggy-online.com

Pdb : Les checkers c’est sur 8×8 et Draughts sur 10×10 ?

NG : Oui pas du tout les mêmes règles. Dame non-volante. La dame prend en arrière d’une case au contraire du pion. Très peu de combinaisons à ce jeu à part des coups en 2 ou 3 temps.
Pas de collage, etc.
Pour les collages, je ne sais plus en fait.
10×10 = internationals draughts = jeu de dames international
le plus actif au niveau compétition mais pas le plus joué dans le monde et sur le net.

Pdb : Quel dommage que ce ne soit pas le plus joué, surtout qu’en jouant sur seulement une couleur, on ne joue que sur la moitié du Damier. Donc 50 cases pour le Draughts (contre 64 pour les échecs héhé) et un médiocre 32 pour les checkers, c’est faible.
Les champions s’entraînent beaucoup sur la machine ? Quel est le logiciel de référence ?
Aux échecs, avec l’apogée des machines (exemple Alpha zéro et son deeplearning), la machine est passée de la connaissance zéro à la connaissance oraculaire. Elle peut résoudre des problèmes qu’on se pose depuis des siècles
et le travail en amont sur ordinateur+database est énorme. Ce n’est que de la préparation ce qui explique pourquoi certains joueurs comme Carlsen, le champion du monde en titre, jouent parfois des coups inférieurs, pour sortir de la théorie et éviter la prépra de l’équipe adverse.

NG : Je ne côtoie pas beaucoup de champion donc je ne sais pas l’étendue de leur préparation avec les machines. A mon avis, ça varie beaucoup d’un joueur à l’autre. Scan est le meilleur logiciel je pense maintenant. C’est extrêmement difficile de lui tirer une nulle sur Lidraughts au niveau 8. Bien sûr, je ne l’ai joué qu’en blitz. Mais quand même. C’est impressionnant. Le style est toujours le même. Il prend des temps d’avance. Lorsque la position explose, tu te retrouves avec une impression énorme car il a pris beaucoup d’avance sur toi en développement et le jeu est tout ouvert. Bref, il marche sur toi comme on dit en Afrique. J’ai vraiment tout le mal du monde. Et pourtant, je suis un joueur positionnel. J’ai plusieurs fois fait nulle contre des GMI, sans trop de difficulté (bon c’est plus facile aux dames, vu la marge de la nulle qui est encore plus grande qu’aux échecs).
Je comprends bien ce que fait Carlsen. Logique.
Donc comme au Go, Alpha Zéro a tout chamboulé ? Il a mis en place des stratégies qu’on croyait injouables ?
Aux Echecs, je parle.

Pdb : Aux échecs les machines dominent l’homme sur tous les points depuis longtemps. Tactiquement et stratégiquement. Au Go l’homme était devant (jusqu’à l’arrivée d’AlphaGo). Aux échecs, on fait s’affronter les machines entre elles. Alpha zéro les a toutes dominées. Notamment avec sacrifices de Dames, sacrifices positionnels, etc. Avec Noir, il annule. Avec Blanc, souvent il gagne. Le logiciel a une meilleure compréhension que nous et peut jouer certains coups prophylactiques que l’homme ne comprendra peut-être jamais. Mais ce programme est entre les mains des EU. Il y a une version open source : LeilaChess qui est accessible à tous. J’ai vu qu’ils avaient créé AlphaStar pour se battre avec les joueurs de Starcraft, mais il n’est pas parvenu à les dépasser.
Turbo Dambase est une interface graphique qui peut faire tourner Scan ?
J’aurais bien aimé l’utiliser pour créer des fiches, annoter des parties.

NG : EU ? Il y a très longtemps que j’ai utilisé Turbo Dambase. Il venait avec Flits à l’époque.

Pdb : Au fait, ça consiste en quoi jouer positionnel aux Dames ? Y a des sources qui parlent du jeu positionnel ?

NG : Ah c’est vague ça.
Je conseille le livre « La boussole de la stratégie » (mais je n’ai jamais publié le tome 2, je crois qu’on les trouve en ligne maintenant).
En très très schématique, 2 notions s’opposent. 1) plus tu avances, plus tu es prêt de la dame, donc mieux c’est. 2) plus tu avances, et plus tu risques de te retrouver bloqué, réduit à donner des pions
Donc si le jeu est ouvert, on est content avec des temps d’avance.
Si le jeu est fermé, on est content avec des temps de réserve (ce n’est pas l’opposé des temps d’avance, sauf dans les positions symétriques) pour avoir plus de choix.
Etre flexible est aussi une notion intéressante, sous-évaluée à mon avis.

Pdb : Ha mais tu es aussi auteur de livres ! Tu es le traducteur ou tu as coproduit le livre avec Mihail Kac ? Tu parles russe ?
(je suis sur ta page wiki, éditeur donc). Tu n’aurais pas une version d’occase à me dédicacer et me vendre par hasard. (je ne trouve pas l’ouvrage).

NG : J’ai traduit du néerlandais en fait (l’autre langue du jeu de dames).
Beaucoup de choses ici : https://allonsadame.pagesperso-orange.fr/entree_ouvrages/entree_ouvrages.html

Pdb : Il y a le tome 2, mais pas le 1
Je me demandais, pourquoi en anglais, on dit « make a king » alors qu’il s’agit de Dames (queen) lorsque le pion dame.

NG : King = dames en anglais, je n’ai pas d’autre explication.
Quant au tome 1, je n’en ai pas avec moi à Londres.

Pdb : Aoui, ils appellent ça « kings » (opposé à « men ») et la 1ère et dernière rangée : « the kings row »
ce qui est difficile (me concernant) avec le jeu de Dames c’est d’établir des stratégies. J’ai cru comprendre qu’il y avait le contrôle du centre et l’encerclement. Mais les échecs sont pour moi plus facile à comprendre. Dans l’ouverture : contrôle du centre, développement et sécurité du Roi (roque). Ensuite selon la nature de la position, une attaque contre le Roi ennemi, une attaque contre un pion isolé/arriéré. Avec des thèmes récurrents ; Tour en 7e, paire de Fous. Avec des principes de bases : ne pas bouger une pièce deux fois dans l’ouverture, Cavaliers meilleurs dans un jeu fermé, fous meilleurs avec un jeu ouvert, etc.
Mais avec les Dames, c’est plus flou, je ne sais pas trop où je vais. Je n’arrive pas à déterminer la qualité positionnelle des coups joués, leur sens ni à me projeter. Je patauge en eau trouble. J’ai joué 3 parties contre Scan au niveau 1 j’ai perdu les 3. Je le trouve plutôt fort pour un level 1/8.

NG : Pour l’instant, contente-toi de serrer tes pions au centre en faisant des formations de pionnage (colonnes de pionnage) ou alignement de 3 pions (et plus).
Naturellement, tu te retrouveras en position classique, chaque joueur ayant sa moitié du plateau. Ca t’aidera à te sentir plus à l’aise avec des positions similaires (fermées).
Pour l’instant concentre-toi sur les combinaisons. Il y a beaucoup de boulot de ce côté-là.
Et rassure-toi, je me souviens après 1 ou 2 ans de jeu d’avoir posé une question similaire à un champion de France : « je ne sais pas trop quoi rechercher, trop quoi calculer ».
Avec l’expérience, ça devient de plus en évident, ce qui est bon et ce qui est mauvais.
Ca n’empêche qu’il faut des notions stratégiques quand même. La première est de ne pas se laisser enchaîner un grand nombre de pions contre un plus faible. Si 12 de tes pions ne peuvent plus bouger à gauche contre 8 chez l’adversaire, le jeu ne se déroulera plus que sur la droite jusqu’à ce que tu doives cracher un pion (autrement dit la partie).
C’est le plus important, ne pas se faire enchaîner de manière défavorable (par exemple par un marchand de bois dans pion sur la diagonale ou une tenaille.

Pdb : Si j’ai bien compris, « pionner », c’est donner un de ses pions et reprendre aussitôt celui de l’adversaire. Et une colonne de pionnage est une colonne qui te permet de pionner ?
Dans cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=00sV6fNhtQ4
Il est question de la colonne 45, 40, 34. Les colonnes au jeu de Dames sont des diagonales ? Pourquoi ne pas parler de diagonale ?
Faire des alignements de 3 pions permet d’éviter le coup de Mazette.

Note : Le coup de Mazette en vidéo :

Dans ce coup, Blanc bouche un trou en faisant un alignement de seulement 2 pions, ce qui lui est fatal. Les alignements de deux pions sont donc très dangereux dans l’ouverture ?
Et que penses-tu des joueurs qui pionnent à tout bout de champ ? Qui font une succession d’échanges. Un peu comme un joueur d’échecs qui voudrait échanger chaque pièce de l’échiquier alors qu’il y a égalité matérielle sur le plateau afin d’annuler la partie.

Très intéressante la notion de pion enchaîné, ça peut rappeler des finales de pions aux échecs (pions arriéré et même pions doublés).
Et le concept de marchand de bois est magnifique, je vais étudier ce style de jeu
Une vidéo qui m’a l’air pas mal est celle du youtuber ProfScphy (Combinaisons thématiques en marchand de bois) :

Quand tu parles du coup de la Tenaille, s’agit-il du coup de la grande tenaille ? Ou celui de la cisaille ou cela n’a-t-il rien à voir ?

NG : Oui pour pionner. On parle de colonne, c’est tout, pas de diagonale. C’est comme ça.
Tu as raison, une colonne de pionnage est vulnérable en son point central si elle est en contact avec des pions adverses. C’est donc à surveiller.
En structure classique, on met justement toujours un pion en 27 pour accompagner 28-32-37.
Il y a des joueurs qui pionnent beaucoup, sans doute, mais bon, je n’ai pas d’exemple à donner de récent. Ignore le problème. Ça n’en est pas un. Suffit de leur laisser des mauvais pionnages.
La tenaille, c’est un genre de position ou un pion à toi est pris des 2 côtés par des pions adversaires. Ca fait que tu ne peux plus bouger derrière ce pion.
Je ne suis pas étonné que tu sois tombé sur les vidéos de Philippe Jeanneret, c’est l’un des seuls à en faire. Bon apprentissage ! Tu as du pain sur la planche. C’est bien en ce moment. (Note : Covid-19).
Amuse-toi bien !


Conclusion : Je profite de la phrase injonctive de Nicolas Guibert pour conclure l’échange. Ainsi, vous voilà désormais témoins de l’initiation d’un Pousseur de bois au milieu damiste. Cette mise en forme d’un dialogue entre un maître et son élève me rappelle l’ouvrage de Go de Motoki Noguchi, Le langage des Pierres. Aussi, bien que la nature pugnace du titre de l’article le suggère, jeu d’échecs et jeu de Dames ne sont pas à opposer ni à hiérarchiser. Tous deux sont, art, science et appartiennent à l’honorable famille des sports de l’esprit. Ainsi, mes frères et sœurs Pousseurs de Bois :

Gens una Sumus.

Pousseur de Bois
01/04/2020 (ceci n’est pas un poisson d’avril)

Tshirt jeu de l'esprit

Le compter-compter

Voici en bonus une vidéo commentée par Profscphy du champion africain Joël Atse. Ce dernier joue une cadence effrénée appelée « compter-compter » . Elle s’apparente au Blitz du jeu d’échecs. « Compter » car un arbitre compte pendant la partie et enlève des pièces au joueur trop lent.

Le compter-compter aux Dames va de pair avec les mises ou paris. Certains endroits d’Afrique tels que le département du Kaolack au Sénégal regorgent de Damistes ayant fait du jeu de Dames une profession. Les mises peuvent atteindre 15€ par partie et commencent à 19h pour finir à 6h du matin.
Source : http://ffjd.fr/forum/sujet.php?id_sujet=1495

Dans cette vidéo, le compter-compter le l’arbitre est plus audible. A droite, l’ancien champion du monde et damiste letton, Guntis Valneris.

Et voici l’interview de Joël Atse sur le plateau de la chaîne de télévision ivoirienne C’Midi :

On commence avec Vassili et on termine avec lui. voici une dernière vidéo d’Ivanchuk jouant aux checkers sur un échiquier pendant une cérémonie d’échecs en 2016.

Notez la mine patibulaire de Carlsen à gauche.

Liens utiles :
- Règle du jeu de Dames
- Site de Nicolas Guibert : Happy Meeple
- Meilleur site de Dames international en ligne : Lidraughts
- Chaîne Youtube du Damiste Philippe Jeanneret
- Cours de Dames : Traductions des ouvrages de Tjalling Goedemoed
- Turbo Dambase
- Allonsadame
- Jeu de Dames
Techniques FFJD :
- Introduction
- Tactiques
- Stratégies
- Finales

Quelques différencessimilitudes en vrac entre Échecs et Dames :

  • Colonnes : Aux échecs la colonne est verticale. Aux Dames, elle est diagonale.
  • Notation des rangées : Les rangées du plateau d’échecs sont croissantes de bas en haut. Alors qu’aux Dames, la première rangée est du côté noir.
  • Pion Passé vs Débordement. On parle de débordement lorsqu’un Pion aux Dames va damer.
  • Echanger (on prend pour redonner) vs pionner (on donne pour reprendre).
  • Opposition : Les deux disciplines utilisent le concept d’opposition (qui est assez similaire).
  • Même chose pour les gambits.
  • Littérature : La littérature échiquéenne est abondante (ouvertures, tactique, finale, échecs et art, etc. Aux Dames, les seuls ouvrages disponibles sont des pdf traduits en français et téléchargeables gratuitement. Impossible de trouver un bouquin de tactique pour s’entraîner sous la couette avant de se coucher !
  • Le coup du cheval aux Dames reprend le motif de déplacement du Cavalier aux échecs.
  • Coup forcé : Un coup forcé aux Dames n’est pas synonyme de coup obligatoire (seules les prises le sont). Il s’agit juste d’un coup nécessaire. Ne pas le jouer vous coûterait la partie. Ces coups s’appellent : « forcing« . Aux échecs, contrairement aux Dames, un coup forcé est OBLIGATOIRE et permet souvent de parer un échec.
  • Pion arriéré vs Entrave. Mais également Pions suspendus.
  • Nulle par Pat vs Gain par blocage. Aux Dames vous gagnez si l’adversaire ne peut plus bouger alors qu’il lui reste des pions.Aux échecs, il y a partie nulle !
  • Partie nulle vs Remise : Aux échecs, une partie nulle rapporte 0. Aux Dames, une partie nulle rapporte 1 (une victoire 2). La partie nulle aux Dames s’appelle : La remise.
  • Mat de l’escalier vs Coup de l’escalier.
  • Coup du Berger vs Coup de Mazette.
  • Chessbase vs Turbo Dambase : J’ai acheté le logiciel et l’ai testé. cliquez sur le lien pour lire la critique.
  • Zugzwang, cases en bas à droite, contrôle du centre, trait au blanc
  • FIDE vs FMJD (acronyme et sigle français)
  • Classement élo vs Capital Points : Aux Dames les joueurs ont un Capital points (CP) qui reflète leur niveau. A l’instar du classement élo aux échecs. La route est longue et jalonnée d’embûches. Appréciez l’évolution d’un joueur de Dames en quêtes d’auto-perfectionnement.

Et parce que j’adore les graphiques d’analyse, voici deux graphiques d’évaluation de deux de mes parties (donc très subjectif). Le premier, une partie d’échecs jouée contre un 1800, miniaturisé en 14 coups (car surpris par mon Gambit Staunton). J’avais les blancs. Le deuxième, une partie de Dames jouée contre Scan niveau 4 sur Lidraughts. J’avais les Noirs. A mon tour cette fois de me faire miniaturiser (26 coups). Pourtant, Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, il a suffi d’un coup : 13-19?? pour m'(auto)assommer. Le jeu de Dames est punitif. Appréciez les dénivelés de l’ouverture d’échecs contre la douceur de l’ouverture de Dames… jusqu’au drame. Je mange une montagne (il y avait beaucoup de brouillard) au 26e coup. Quelle violence ! Aux échecs, lorsqu’une attaque se prépare, on la sent venir : Un Fou montre du doigt votre roque, un Cavalier s’approche de votre monarque pour lui renifler les fesses, une Dame vient toquer en h2. Bref, il y a invitation. Mais au jeu de Dames, le coup d’avant on capture un pion, le coup d’après ce dernier nous en capture 3 et se fait une Dame !

Echecs ; Gambit Staunton
Echecs : Gambit Staunton
Dames ; Wild Horse Opening
Dames françaises : Wild Horse Opening

Pour conclure : Un joueur d’échecs qui s’initie au jeu de Dames aura l’impression de jouer une partie partie d’échecs romantique (voir le style romantique aux échecs. Cf. sacrifices, etc.) ou une variante ravageuse du Suicide Chess. Ce joueur aura le sentiment de se retrouver dans une position qui lui est est très peu familière, ultra tactique avec des motifs combinatoires qui lui tombent sur la tête à la moindre poussée de Pion. Jouer pour la première fois aux Dames (contre un vrai Damiste), lorsqu’on est un joueur d’échecs est une expérience cognitive et émotionnelle difficile à vivre, mais très enrichissante. On en redemande !

Quoi qu’il en soit, jeu d’échecs

P-S : Si vous souhaitez me faire don d’ouvrages de Dames, je suis preneur :)
P-P-S : Cet article inaugure une nouvelle rubrique : Jeu de Dames.

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